Quand le père prend garde

En France, les statistiques indiquent que les enfants de parents séparés vivent dans 71% des cas chez leur mère, dans 19% des cas en garde alternée, et dans 10% des cas, chez leur père.

Notre société est une société patriarcale.
Dans le sens où c’est l’homme, le père, le Pater Familias, qui dirige la famille, qui fait vivre la famille, au sens qu’il lui apporte la subsistance par son travail, et dans l’esprit, c’est la mère qui contingente, qui assure la bonne marche du foyer.

Cette vision, très rétrograde, très ancienne, antédiluvienne même, du fait de la présumée supériorité de l’homme sur la femme nous amène au XXIè siècle à un paradoxe.

Ce paradoxe est que tout le monde s’accorde sur le fait que femmes et hommes doivent être traités équitablement en tout point, mais d’un autre côté, on constate que les mères sont encore considérées, dans la grande majorité, comme les plus à même de s’occuper du quotidien des enfants. 

Des voix s’élèvent, celles des pères, mais pas uniquement, pour que l’on parle d’équité parentale, et que l’on reconnaisse que les pères sont tout autant capables d’assumer ce rôle de parent que l’on donne dans une très large majorité aux mères.

Comment un père peut-il exercer correctement son devoir parental, lorsqu’il est séparé de la mère de ses enfants, s’il ne peut être que le papa des week-ends et des vacances (de la moitié de ceux-ci plutôt) ?

Le paradoxe veut que ce principe soit souvent maintenu du fait que c’est la plupart du temps la mère qui s’occupe des enfants dans le cadre de la vie de couple, parce que les hommes ont souvent un meilleur travail, un meilleur salaire…
Dans les cas où c’est la mère qui a le meilleur salaire, le meilleur travail, la meilleure carrière, le père prend plus souvent part à la contingence du foyer.

De fait, l’équité entre les hommes et les femmes, notamment dans le monde du travail, équilibrerait certainement cet état de fait, mais comme l’on considère encore trop souvent que c’est d’abord à la femme de s’occuper des enfants, cette équité reste un vœu pieux.

D’autant que de nombreuses associations féministes refusent ce droit aux pères d’assumer pleinement leur job de père, en se cachant derrière la violence, l’inceste qu’exercent certains déséquilibrés.
A les écouter, la majeure partie des pères qui sont séparés seraient des pédophiles et assassins en puissance.

D’ailleurs, les plus virulentes des associations de pères ont tendance aussi à prêter aux mères toutes les tares du monde.

La vérité est entre les deux.

Tous les parents séparés ne sont pas des humains dysfonctionnels, à vouloir démolir l’autre parent pour s’approprier de manière exclusive les enfants, objet ultime de convoitise des extrêmes.
Les associations féministes auraient tendance à refuser le droit des pères à être vraiment des pères, séparés, parce qu’ils n’auraient pas assumé une vraie équité parentale du temps où le couple existait.
Il y aurait beaucoup de choses à écrire sur cette affirmation, la répartition des tâches dans un foyer étant la principale pomme de discorde dans le couple.

Non, fort heureusement, la majeure partie des parents séparés arrivent à mettre leur ego de côté, et agir pour le bien des enfants.
Même si les conflits liés à l'argent sont souvent le point d'achoppement qui fait vaciller le raisonnable en déraison.

Malgré cela, les chiffres sont là, dans l’immense majorité, ce sont les mères qui ont la garde des enfants.

Cet état de fait se reflète dans les décisions relatives à la garde des enfants dans le cadre d’une séparation des parents.

Mais, quand c’est le père qui a la garde complète de ses enfants, bien souvent, ce qui ressort des commentaires des uns et des autres, c’est :

  • quel courage, comment faites-vous?
  • leur mère est morte? (Véridique, on me l’a faite)
  • vous avez quelqu’un pour vous aider?
  • vous avez arrêté de travailler?
  • (…)

Ces remarques, qui sont sensées être bienveillantes sont tout le contraire.
Pourquoi un père tirerait plus de « gloire » qu’une mère à s’occuper seul de ses enfants?
Un père serait-il moins capable de s’occuper d’enfants qu’une mère?

Et là, ce n’est que la partie visible.
Je ne parle pas des coups bas que l’on nous fait lorsque l’on obtient cette garde.

Des plaintes pour délaissement ou négligence parce que l’un a le nez qui coule, l’autre les cheveux secs, ou a malheureusement attrapé des poux à l’école…
On vous fait les pires crasses. Un jour où vous avez eu le malheur d’élever la voix auprès d’un de vos enfants parce qu’il ne veut pas s’habiller pour aller à l’école, on vous accuse de maltraitance…

Et le pire, c’est que la plainte est enregistrée…

Qu’un père fasse ce genre de démarche, on va lui rire au nez… Une mère saurait forcément ce qui est bien pour son enfant. Un père, apparemment, non.
Mais en même temps, j’ai l’habitude, j’ai bien dû porter plainte pour violences conjugales…
Un homme aurait fini en garde à vue, mon ex a pu repartir tranquille, avec un simple rappel à la loi…
Les gros yeux, quoi.

Elle a pu rester dans la maison, avec les enfants, à l'époque, tandis que moi, j'étais obligé de m'exiler, chez des collègues, puis en foyer. 

Donc, un père qui s'occupe de ses enfants, qu'il soit en couple ou séparé reste tellement exceptionnel que c'en est presque suspect aux yeux des autres parents.

Organiser un goûter d’anniversaire semble simple, mais dès que c’est un père, on ressent comme une réticence de la part des parents des autres enfants.

Curieusement, on me regarde toujours bizarrement lorsque j’emmène mes filles à leurs rendez-vos médicaux, à leurs activités extra-scolaires…

Voire, on fait preuve de condescendance lorsque l'une ou l'autre de mes filles ferait un caprice... 

"Vous voulez de l'aide? ... Ben non, je suis son père, je sais gérer..." 

J’ai même eu des réflexions à la rentrée, parce que je n’avais pas eu le temps d’aller chercher telle ou telle fourniture supplémentaire le mercredi.

Parce qu’il faut que j’explique, mon quotidien, c’est mes filles, du lever au coucher, et mon travail, que j’exerce à distance, à temps plein, mais que j’aménage.
Dès lors, les courses, c’est une fois par semaine, voire deux s’il y a un manque particulier…

Rien de très compliqué, mais comme je suis un père, je suis un OVNI.

Les esprits chafouins me diraient qu’ayant refait ma vie, je me repose forcément sur ma compagne (qui gère ses enfants).
Autrement dit, j’aurais forcément besoin de me faire aider, parce que je suis un homme, un père?

Non, je gère mes filles, elle gère ses enfants, on fait les repas ensemble, on gère les tâches ménagères ensemble, chacun s’occupe de sa progéniture, des rendez-vous, des activités respectives.
On se répartit les trajets scolaires selon nos disponibilités, moi le matin, le soir, sauf réunion, la moitié le midi…

Je me pose la question suivante : pourquoi un père qui s’occupe de ses enfants serait moins capable qu’une mère?

Et c’est en fait l’essence même de notre société qui est à remettre en question.
On lutte pour l’équité, l’égalité des genres, des associations féministes militent pour que les mères qui s’occupent de leurs enfants puissent être reconnues comme exerçant un travail qui mérite une reconnaissance… Et c’est normal.
Mais certaines de ces associations militent aussi contre la garde alternée, et pour que les mères puissent continuer à garder leurs enfants.

Dans un grand nombre de cas, il est vrai que la garde alternée n’est pas une solution, notamment pour des questions simplement logistiques ou financières. 

Mais pourquoi, alors, considérer que c’est forcément à la mère de s’occuper des enfants?
Pourquoi est-on si réticent à octroyer aux pères la garde de leurs enfants?

Bien sûr, certains pères n’assument pas leurs responsabilités et leurs devoirs, tout comme certaines mères, mais dans la majorité des cas, pères et mères savent et veulent s’occuper de leurs enfants. 

On m’a reproché, en obtenant la garde de mes filles, d’empêcher leur mère de reconstruire sa vie.

Pendant toutes les années que notre mariage a duré, j’ai beaucoup travaillé, j’ai assuré l’avenir de nos enfants, je leur ai procuré de quoi vivre confortablement.
On m’a reproché de ne pas m’être occupé de mes enfants correctement parce que je travaillais.
Leur mère ne souhaitait pas avoir un emploi. Aujourd’hui on vient me dire que je l’aurais empêchée de travailler, mais si elle avait travaillé, j’aurais été plus disponible pour mes enfants, parce que je n’aurais pas été obligé de faire entre 50h et 60h par semaine…

Elle voyait nos enfants s’épanouir, grandir, et je faisais ce qu’il fallait pour cela. Mais il me manquait une chose essentielle, partager leur quotidien. 

J'ai souvent dû me déplacer, travailler loin de chez moi, pour assurer la pérennité de mon foyer. Etait-ce par égoïsme que je n'étais pas forcément là tous les soirs pour être avec mes enfants? Non, simplement, j'assumais mon job de parent, celui qui consiste à apporter le confort de vie nécessaire à sa famille.

De plus en plus, des voix s'élèvent pour qu'on arrête d'opposer père et mère, et les considérer comme des parents, dont les missions vis-à-vis des enfants seraient interchangeables.

Pourquoi doit-on encore partir du principe que c'est la mère qui doit garder les enfants, y compris les jeunes enfants, en cas de séparation?

Pour des questions historiques, sociétales, ethnologiques, psychologiques? Les pères seraient donc sacrifiés sur l'autel de ce qui se fait depuis la Nuit des Temps, parce que traditionnellement la mère s'occupe du foyer?

Que l'on ne se méprenne pas dans mes propos, je suis pour l'égalité et l'équité entre les femmes et les hommes, à tout point de vue. Je pourrais même plutôt être qualifié de féministe.

Mais, d'un point de vue de parent, il ne doit y avoir aucune question de genre pour ce qui est d'assumer ce rôle d'une vie.

On est parent, que l'on soit homme ou femme, que l'on soit hétérosexuel ou homosexuel, ou toute autre catégorie dans laquelle on veut faire rentrer les humains qui s'aiment.

On a un ou plusieurs enfants, on est parent. On devrait définir un genre neutre dans la langue française pour ce mot. 

Parent, que ce soit pour changer les couches, donner le biberon (de lait maternel ou non), veiller son enfant la nuit, accomplir les tâches ménagères familiales, assister aux réunions à l'école, emmener le petit dernier à la danse ou l'aînée au football, accompagner ses enfants tout au long de leur vie, de notre vie, tant que l'on en a la force, l'énergie, y compris lorsque eux-mêmes sont devenus parents...

Il ne devrait pas y avoir de genre pour cette fonction.

Et l'on devrait donner à chacun des parents, dès le départ, lorsque malheureusement l'amour dans le couple n'est plus présent, les mêmes chances de pouvoir exercer leur droit à être parent.

Bien évidemment, chaque situation est unique, et c'est pourquoi on ne devrait pas faire appel à des standards pour déterminer ce qui est le mieux pour les enfants, mais prendre le temps d'étudier, de voir comment les enfants pourront au mieux s'épanouir, même si cela implique de choisir qu'ils devront pour cela vivre plutôt chez l'un que chez l'autre.

C'est pourquoi donner le pouvoir de cette décision à une seule personne, fut-elle la plus compétente du monde, la plus équitable du monde, dans une juridiction, représente beaucoup trop de responsabilités.

Un collège mixte de sages de l'enfance et de la parentalité devrait être constitué pour déterminer cela, regroupant autant de juristes que de professionnels de l'enfance, pédopsychiatres, assistants sociaux, etc., lorsque le conflit est tel que les parents n'arrivent pas à s'entendre sur ce qui sera le mieux pour leur progéniture.

Les dégâts causés chez les enfants, leurs parents, la famille en général, par des décisions parfois incompréhensibles ou par des décisions inéquitables sont tellement importants que c'est tout une partie de la société qui est atteinte par ce mal causé par une justice parfois trop aveugle, parfois trop cynique, pas assez humaine...

Mais c'est aussi une profonde révolution sociétale, durable, qui doit se réaliser, quant à la place de chacun, femme/homme, quant au vivre ensemble, à la tolérance...

Finalement, ne sommes-nous pas tous des humains, avant tout? 



Crédit image : preserver-sa-vue.com

   

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