Coup de cœur
Ma chérie m'a fait découvrir BigFlo & Oli.
On les a vus en concert, je les écoute souvent.
Mes enfants écoutaient, avant que je ne découvre.
J'étais plein de préjugés, encore du rap, c'est vulgaire, violent...
En fait, non. C'est bien écrit, c'est intelligent, il y a des messages forts.
J'aime beaucoup, et surtout cette pépite, un truc qui me remue à l'intérieur, mais d'une force :
Paroles :
Je suis, enfermé, à l'étroit dans ma cellule
Tout les jours le même café mais c'est le temps qui est soluble.
Ces bonnes actions que l'on regrette, ces erreurs que l'on refait,
Au parloir je parle autant à mon fils qu'à mon reflet
Je suis, gelé, j'enchaîne les verres et les hivers
Pour se rassurer les passants doivent tous penser que l'on hiberne
Bercé par le son des pas et le bruit des pièces dans les poches
Entre ce type et mon chien je me demande de qui je suis le plus proche
Je suis, riche, ils veulent me faire croire que c'est une honte
Comme si j'étais responsable de toute la misère du monde
Moi je dois rien à personne même si l'argent vient à manquer
Ils veulent tous goûter au fruit de l'arbre que j'ai planté
Je suis, malade, mais je préfère dire futur soigné
Mes pupilles fixent l'aiguille de la montre qui brille sur mon poignet
A l'étroit dans mon corps je regarde le monde par le trou de la serrure
Les gens diront que je n'ai fait qu'agrandir celui de la sécu
Je suis, croyant, on me reproche souvent de l'être
On me reproche ma barbe pourtant j'ai la même que Jean Jaurès
On me compare à des barbares auxquels je n'ai jamais cru
Les mosquées sont trop petites alors parfois je prie dans la rue
Je suis, un peu perdu, mes petits poumons se remplissent d'air
Nouveau venu sur terre, mes premières larmes déclenchent celles de mon père
Une chance, auprès de ma famille je me sens à ma place
Mais je n'oublie pas que j'aurais pu naître dans la chambre d'en face
Je suis, seul, au fond d'un couloir, on me demande pas mon avis
J'ai pris de l'âge donc voilà, j'ai bien plus de rides que d'amis
J'aimerais partager mes erreurs, vous faire part de mes doutes
Parfois je me parle à moi-même pour être sûr que quelqu'un m'écoute
Je suis, épuisé, mais plus pour longtemps j'en suis sûr
Les sonneries de téléphones, la pression élargissent mes blessures
Je me souviens pas de la date de mon dernier fou rire
Je suis un homme, bientôt je serais un souvenir
Je suis, enfin là, cette terre n'est plus un mirage
Je suis, arrivé par bateau mais surtout par miracle
Une nouvelle vie m'attend ici, bien plus calme et plus stable
Ce matin j'ai écrit tout va bien au dos de la carte postale
Je suis, fier, mais comment vous décrire tout ce que je ressens
Quand je marche en ville de moins en moins de gens me ressemblent
Dans l’ascenseur je parle même plus la langue de ma voisine
A force de planter des arbres il n'y aura plus de place pour nos racines
Je suis, fatigué, mal au dos et mal aux reins
Les rides sur mon visage me rappellent les montagnes de là où je viens
On m'a menti et c'est trop tard que je l'ai compris
On dit que ce pays n'est pas le mien alors que c'est moi qui l'ai construit
Je suis, assis, et le destin a fait que je me relèverai jamais
Dans cet océan j'ai l'impression d'avoir toujours ramé
Un casse-tête pour monter dans le bus, aller au taf passer leurs portes
Souvent les gens me regardent et répondent que c'est pas de leur faute
Je suis, heureux, jeune diplômé, esprit bétonné
J'ai étonné ceux qui rêvaient de me voir abandonner
Ma famille est loin d'ici, j'espère que là-bas ils sont fiers
Je viens de gagner le combat qu'avait commencé ma mère
Je suis, confiante, je regarde ma classe un peu trop pleine pour moi
Et je leur tiendrai la main jusqu'à ce que la réussite leur ouvre les bras
J'ai compris que parfois les adultes sont paumés
Parce que les plus grandes leçons c'est eux qui me les ont données
Je suis, énervé, dans mon quartier on s'ennuie loin de la ville
On écrit, on prie, on crie et j'ai des amis qui dealent
Mon grand frère est au chômage, mon pote se fait 5000 par mois
Au collège c'est le bordel, bientôt je devrai faire un choix
Je suis, loin, ce qui se passe chez moi n'intéresse pas grand monde
Pour les autres on vit un rêve pourtant souvent on tourne en rond
Tout est cher, avec le continent y a comme une latence
La plage, les palmiers mais moi je suis pas en vacances
Je suis, discrète, mon père m'a dit de ne pas faire de vagues
Ma religion est un phare qui guide mes pas depuis que j'ai mis les voiles
C'est drôle qu'il me surveille et qu'il fasse tout pour
Me donner une leçon en m’empêchant d'aller en cours
Je suis, inquiet, envers ma foi beaucoup de regards hautains
Je reçois des leçons par des types qui ne font rien pour leur prochain
L'humanité n'a plus de cœur, je vois le monde qui tourne et qui change
Et je suis triste de voir qu'il y a de moins en moins de gens le dimanche
Je suis, amoureux, et je vois pas qui ça regarde
A part moi et celui avec qui je partage mon lit le soir
Je l'aime, on slalome entre les insultes et les blagues
Dire qu'il y a peu de temps je n’avais pas le droit de lui offrir une bague
Je suis, oublié, mes fins de mois se font sur le fil
C'est devenu rare d'aller au resto ou d'aller voir un film
Je suis qu'un chiffre, qu'un vote, une statistique, un point de plus dans la foule
Moi je suis juste né ici et j'ai l'impression que tout le monde s'en fout
Je suis, un rendez-vous, un hasard
Un match de foot, un mariage
Une manif, un anniv
Une accolade, une bagarre
Une scène de crime, un jugement,
Un gosse qui rit, une erreur
Une montagne enneigée
Je suis la pointe de plume d'un auteur
Je suis les pleurs d'un départ
Je suis la chaleur des bars
Je suis une saveur 5 étoiles ou bien le gras d'un kebab
Les flemmards les couche-tard les lève-tôt
Les râleurs les regards dans le métro
Un oncle raciste, un concert vide
La crise, la déprime qui ressert l’étau
Je suis, l'excellence, l'élégance ou l'espérance d'une naissance
Ces campagnes dans le silence, ces grandes villes, immenses si denses
Je suis, un peu de moi et beaucoup des autres quand j'y pense
Je suis ...
La France
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